Afin de me faire plein de nouveaux amis, j'ai décidé de consacrer ce blog à la critique d'albums jeunesse.
Pour le reste, on se reportera toujours utilement à Du sarin dans le plastibulle.

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jeudi 12 janvier 2012

Morale bourgeoise

Joseph Jacquet et Dupuy-Berberian Les papapas. - Albin Michel, 2011.

Dans le monde des pitis, il y a les mamas, les papas... et puis les papapas, ces valeureuses pièces rapportées qui font tout leur possible pour creuser leur trou sans trop déplaire aux marmots.
On l'aura compris, ce livre traite de la famille recomposée, sujet peu abordé dans les albums, pour lesquels la famille reste essentiellement composée d'un papa, d'une maman et d'un ou deux petits ours bruns. Si le thème ne manque donc pas de pertinence, on n'en sera pas moins agacé par à peu près tout le reste, à commencer par la tonalité résolument bourgeoise de l'ensemble. À cet égard, une seule page pourrait servir de signature à tout le livre : celle où s'étalent les multiples listes que le papapa ne peut s'empêcher de semer un peu partout. Un coup d'œil aux destinations de vacances, où l'on préfère nettement la Sardaigne, Valparaiso ou "NY" à Châtelaillon-plage suffit à renseigner sur le compte en banque du néo-couple, dont la suffisance ne s'étale pas seulement sur les rivages de Corse ou de Bretagne, mais aussi sous la forme de multiples références culturelles qui sont autant de signes d'appartenance. Ainsi "Gilbert et Georges", vieux majordomes de l'art contemporain, figurent-ils en bonne place dans la liste des invités à "la Grosse Fête" ou bien une image de Marion Peck, icône de la branchitude s'il en est, dans la liste des cadeaux à faire à madame.
Encore tout cela ne prêterait-il qu'à ricanements prolétaires, si le ton n'affectait le parler d'un piti de manière aussi insupportable et artificielle. Le procédé est connu, il pourrait être drôle s'il ne s'agissait en réalité de ne faire dire à l'enfant que ce que l'adulte a envie d'entendre. Car ce livre, au fond, est bien plus à son usage qu'à celui des enfants : il s'agit avant tout que les choses se passent bien, entre gens de bonne (re)composition. Ce qui distingue au final la famille recomposée de la famille tuyau-de-poêle, ce ne sont pas seulement les vacances à "NY" mais aussi cette capacité à réfléchir sur elle-même pour établir les cadres d'une nouvelle bienséance dont Les papapas est la parfaite illustration. En ce sens il ne se contente pas de prendre acte de façon plus ou moins narquoise d'un phénomène de société mais s'offre également comme un véritable petit manuel de la distinction, déroulant à l'usage de la bourgeoisie les nouvelles tendances et bonnes manières familiales des gens bien comme il faut.

7 commentaires:

  1. D'un conformisme à un autre, de la famille à la famille recomposée... On ne sort pas du schéma et pour finir, on y reste jusqu'au cou, dans la famille.
    Et puis une dernière chose : non, pas Marion Peck !

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  2. Oui, la normale familiale bourgeoise a bien dû s'adapter à ce qui est un phénomène de société, mais elle le fait en suivant certaines règles de conduite qui la distinguent du vulgaire.
    Et pas Mark Ryden non plus !

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  3. Et du coup, la famille tuyau de poêle, foutraque et déglinguée devient très sympathique...

    Marion Peck / Mark Ryden / Nicoletta Ceccoli / Benjamin Lacombe, c'est pas tout pareil, tout ça ?

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  4. Je crois que j'ai abandonné Dupuy-Berberian au deuxième "Monsieur Jean" tellement j'étouffais dans leur monde bourgeois-branché.
    J'ai même du mal à relire le "Journal d'un Album" que j'avais à l'époque bien aimé...

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  5. Encore, Monsieur Jean... J'ai plus de mal avec les trucs sur les bobos. On ne parle bien que de ce qu'on connaît bien, faut croire. Dupuy-Berberian, c'est le type d'auteurs à la fois drôle et profondément déprimants. Un peu comme Lauzier en son temps... Et puis tout ça est tellement, tellement snob.

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  6. Maintenant que tu m'y fais penser, Lauzier me faisait en effet le même effet. Le côté "sexe-bourgeois" (froid, domestiqué, "bizarre") en plus. Beurk.

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  7. De toute façon, rien ne vaut Guillaume Bouzard.

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