Afin de me faire plein de nouveaux amis, j'ai décidé de consacrer ce blog à la critique d'albums jeunesse.
Pour le reste, on se reportera toujours utilement à Du sarin dans le plastibulle.

Pages

vendredi 10 février 2012

Vos papiers !

José Manuel Mateo Calderon et Javier Martinez Pedro Au pays de mon ballon rouge. - Rue du monde, 2011.

Allons, trêve de plaisanterie : les éditions Rue du monde font souvent preuve d'une belle pertinence dans leurs achats de droits. Ici encore, avec cet album venu du Mexique. Un album qui n'en est pas tout à fait un d'ailleurs, puisqu'il s'agit en réalité du découpage d'un unique tableau ou, plus exactement, d'un amate, forme narrative et graphique héritée du codex précolombien, dont il maintient la tradition dans l'art populaire. En une seule bande verticale de près de deux mètres, ce dessin fourmillant déroule le trajet d'une famille de paysans pauvres, une femme et ses deux enfants parmi les milliers de Mexicains que les pressions économiques contraignent chaque année à émigrer clandestinement aux États-Unis, où ils fournissent un contingent de travailleurs corvéables à merci. Avec une incroyable richesse de détails, Javier Martinez Pedro suit ses personnages à chaque étape de leur périple selon une perspective sociale et politique qui n'est pas sans rappeler les grands romans graphiques de l'entre-deux-guerres, ceux d'un Frans Masereel ou d'un Lynd Ward : de la vie paradisiaque au village à l'enfer urbain de Los Angeles en passant par les trains surchargés, les passeurs véreux et les dangers de la frontière où il s'agit encore franchir le mur et d'échapper aux innombrables patrouilles de police... On n'en finirait pas d'explorer cette œuvre-monde dont la moindre parcelle se révèle chargée de sens et signifiante. Qu'il suffise d'en saluer la parution en français, même dans une version fortement adaptée et affublée d'une gommette rouge qui, me semble-t-il, ne figure à aucun moment sur l'original. Un dossier documentaire prolonge l'histoire en en restituant le contexte.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire