Afin de me faire plein de nouveaux amis, j'ai décidé de consacrer ce blog à la critique d'albums jeunesse.
Pour le reste, on se reportera toujours utilement à Du sarin dans le plastibulle.

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lundi 7 novembre 2011

Pompé pompeux

Emmanuelle Piquet et Julien Martinière À quoi ça sert de vivre si on meurt à la fin ? - Sarbacane, 2011.

Vivre, entre autres "Ça sert à construire / une maison pour avoir chaud / une fusée pour aller haut / un perchoir pour les oiseaux / une église pleine de vitraux / un château parce que c'est beau / un igloo, c'est rigoloo / une pyramide mais en lego / [dit mon tonton Robin / qui sait tout faire avec ses mains.]"
La grande question de Wolf Erlbruch, est paru aux éditions Être en 2003. Sans être jamais posée, ladite question y recevait autant de réponses que le livre comptait de personnages. Reprenant fidèlement ce principe, Emmanuelle Piquet pousse le concept un peu plus loin et invente l'album qui donne envie de mourir.
Comment ne pas être tenté d'en finir, en effet, devant un amoncellement de niaiseries tel que jamais n'en déversa dictionnaire de rimes ? Quand La grande question était un chef d'œuvre d'humour, de dignité et, surtout, de sobriété, on se poisse ici les doigts sur un genre de loukoum dont une seule page suffit à vous faire monter la glycémie jusqu'à des taux déraisonnables. Certes, les philosophes allemands n'ont pas le monopole des questions existentielles mais, quitte à les singer, autant y mettre un peu d'allure. Il n'en est guère ici que poussive et forcée, tout alourdie de fausse poésie et de trop visibles intentions. Manifestement, on sait d'avance ce qui est bon pour l'enfant et là où La grande question atteignait à l'universel, l'on se contente ici de lui dorer la pilule. Au moins cet arrière-goût médicamenteux s'accorde-t-il à l'illustration, colorée et séduisante, belle comme une vitrine de pharmacie. Alors à quoi ça sert de vivre si c'est pour se fader des bouquins pareils ? A la manière du canard d'Erlbruch, je répondrai simplement que "je n'en ai strictement aucune idée."

8 commentaires:

  1. Vivre, ça sert à dire des gros mots, dézinguer les livres idiots, les illustrateurs manchots, ne pas boire que de l'eau - cette dernière remarque doit être due à la lecture récente d'un recueil de nouvelles préhistoriques... bientôt sur le Cabas...

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  2. Des nouvelles préhistoriques ? Elles ne doivent plus être très fraîches !

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  3. Fraîches n'est pas le mots que j'aurais choisi... Hirsutes plutôt. Et passablement arrosées de boissons à base de trucs fermentés...

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  4. Oui, c'est incroyable le nombre de trucs qu'on peut faire fermenter...

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  5. "La grande question" est une question existentielle.
    "A quoi ça sert de vivre si on meurt à la fin ?" est une question de manager.
    Votre critique est rassurante quant à la persistance dans cet "impitoyable monde convivial" qu'est celui du management, de regards et d'un rapport à l'existence qui ne se laisse pas prendre dans les rets de cet utilitarisme niais, qui instrumentalise tout. L'accueil qui est fait à ce livre par le libraire d'ici est accablant, c'est la dictature des bisounours anthropophages.
    Penser qu'il puisse "faire du bien aux enfants" revient à les prendre pour de grands dépressifs.

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  6. Je ne l'avais pas tout à fait vu sous cet angle, mais c'est tout à fait ça... Merci !

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  7. De nada. C'est moi qui vous remercie, pouvez pas savoir à quel point ça m'énerve, ces âneries érigées en viatique, alors que c'est bidon de bout en bout. Bidon et pauvre, c'est peut-être ce qui m'irrite le plus. Bref : passons !

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